La guerre de la viande (et nous au milieu)

des boeufs
Source : kwerfeldein / Flickr

Au même moment où est lancée par la fondation Good Planet (créée par Yann Arthus-Bertrand) la campagne 10:10 visant à réduire nos émissions de CO2 de 10% en 2010, une campagne nationale est lancée par le groupement Interbev (Association nationale inter-professionnelle du bétail et des viandes) pour vanter les mérites de la viande, et du bœuf en particulier.

Quel est le rapport ? Il est très simple. Une des plus grands facteurs de pollution (pesticides, engrais, CO2) et de consommation d’eau est l’agriculture. Certes, on ne va pas arrêter de se nourrir pour se garder du réchauffement climatique. Mais nourrir moins de bestiaux aurait du sens.

C’est dans ce cadre qu’une phrase de Yann Arthus Bertrand a été reprise dans les médias, pour donner une première piste de réduction d’émission de CO2 : « consommer un petit peu moins ou consommer plus intelligent. Consommer des produits locaux, manger un tout petit peu moins de viande et si on mange de la viande, essayer de manger de la viande locale, de la viande française ».

Ce message se diffusant de plus en plus, et la consommation de viande diminuant avec le temps en France  (INSEE), c’est l’occasion pour la filière bovine d’organiser la riposte.

Cette riposte prend la forme d’une campagne de publicité, qui s’articule autour d’affichages sur panneaux publicitaires, d’un site internet (le boeufbonparnature.com). Au delà de l’argument « le boeuf, bon par nature » qui tendrait à assimiler la nature avec l’exploitation intensive animale, on trouve sur ce site une allégation bluffante : « le boeuf contribue à maintenir la biodiversité animale et végétale ». Si vous allez sur la page dédiée, vous pouvez voir un greenwashing éhonté qui s’affiche en toute conviction :

Grâce à lui, nos prairies demeurent le siège d’une forte biodiversité tant animale que végétale.

En France, qui dit bœuf dit prairies pour les nourrir. Et qui dit prairies dit à la fois stockage de carbone et diversité.

Ainsi, au-delà du maintien de la diversité des races bovines de nos régions, les prairies abritent de très nombreux petits animaux, insectes et micro organismes qui, tous, participent à la biodiversité, au même titre qu’une flore végétale abondante.

Décidément, le bœuf crée la vie autour de lui.

Il s’agit là de l’intégralité de la page dédiée à l’environnement. On imagine qu’il est difficile d’argumenter sur ce point de vue (c’est un peu comme si Total faisant campagne pour la préservation des océans… Ah mais c’est vrai, ils le font).

On peut être tenté de rire, mais surtout de pleurer. C’est une contre-vérité hallucinante selon laquelle la production de viande serait bonne pour la biodiversité. Et la campagne ne s’arrête pas là : des bannières sont présentes et vous invitent à cliquer oui ou non à la question « l’élevage bovin français participe t-il au maintien d’une biodiversité animale et végétale? ». Gare au résultat si vous cliquez « non ».

Bannière interbev le boeuf et la biodiviersité

Les faits

Le bétail est nourrit à plus de 30% de maïs et de céréales (chiffre affiché sur le site du Centre d’Information des Viandes, retiré il y a peu) et 70% des surfaces agricoles sont destinées à l’alimentation du bétail. Cette production intensive de maïs et de céréales, par l’emploi massif de pesticides et d’engrais, et par ses rejets,  est responsable en grande partie de la pollution de rivières et de nappes phréatiques et de l’hécatombe de la population d’insectes

D’autre part :

On est en droit de se demander si la consommation quotidienne (voire deux fois par jour) de viande est justifiée.

Dans la campagne d’Interbev, on oublie de mentionner que le bœuf, juste après le veau, est la viande qui a le plus grand impact environnemental, car nécessitant le plus de ressources pour sa production.

Enfin, la production de viande à l’étranger (réalisée principalement dans des pays en développement selon la FAO) est synonyme de déforestation dans de nombreux pays : Brésil, Argentine,… Pas franchement un gage de « stockage de (dioxyde de) carbone ».

Nous sommes confrontés à deux discours antagonistes, relayés par les médias. D’un côté des gentils écolo (idéalistes?) qui disent qu’il faut réduire sa consommation de viande, et de l’autre des jolies prairies sur des affiches bien vertes « le bœuf, c’est bon pour la biodiversité ». Saurons-nous faire les bons choix ?

5 commentaires à propos de “La guerre de la viande (et nous au milieu)”

  1. Merci pour cet article

    Le site http://www.viande.info/ fournit de nombreuses infos sur l’impact de la viande – et des autres produits d’originale animale, sur les humains, les animaux et l’environnement

  2. Merci d’indiquer ce site, en effet très complet et documenté sur le sujet.

  3. Merci d’avoir publier cet article je vais le rependre tant que je le pourais
    alucinant cette campagne de pub tissu de mensonges il n(ont vraiment pas honte

  4. Rétroliens : le greenwashing est dans le pré » MINDD

  5. En effet c’est incroyable de lire tout cela !
    Et le bovins parqués dans des hangars dont la plupart n’ont jamais vu une pâture, du reste les Japonais sont également champions pour cela.

    Tout cela est honteux et au-delà de ce que coûte écologiquement un steak, le plus ignoble est que la vérité nous est masquée, déguisée afin que les gros producteurs puissent continuer à faire de l’argent sur notre manque d’information.

    En tout cas merci au webmaster d’avoir relayer ces infos 😉

    @+

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